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En homme peut en en cacher un autre… ou une autre
Profils de partenaires d’hommes en difficulté d’érection et particularités de la prise en charge.

 

Introduction

La dysfonction érectile (DE) est aujourd’hui une symptomatologie mieux connue, tant dans ses manifestations cliniques que dans ses répercussions plus générales sur la vie des individus qui en sont affectés. Il reste cependant encore de nombreux points à éclaircir pour mieux définir le rôle exact joué par la partenaire dans le déclenchement de la DE ou dans son maintien, ou encore le poids qu’elle peut exercer sur la prise de décision dans le traitement de l’érection. Face au symptôme sexuel masculin, plusieurs types de profils comportementaux et cognitifs semblent se dessiner, la plupart du temps en complémentarité de l’attitude masculine. Dans une approche intégrative de la difficulté sexuelle, il nous apparaît tout particulièrement intéressant d’analyser les attitudes féminines face à la DE et d’en tenir compte pour mieux orienter la prise en charge d’une pathologie difficile, afin d’en optimiser les résultats thérapeutiques.


Face à la DE, un homme longtemps seul

L’implication de la partenaire dans la stratégie thérapeutique de la DE est une donnée toute récente pour la communauté scientifique internationale et elle est encore bien trop peu exploitée. Aujourd’hui encore pour nombre de praticiens, et depuis bien longtemps, la dysfonction érectile se résume à une affaire d’hommes, une histoire virile se déroulant à huis clos entre celui qui en est atteint et cette partie de lui-même qui semble ne plus vouloir fonctionner au rythme de ses désirs avoués. Les hommes qui consultent pour DE, seuls la plupart du temps, disent volontiers que leur partenaire n’y est pour rien et que la DE ne concerne qu’eux.
Dans une méta analyse de 2001, à partir des milliers de publications de la littérature internationale depuis 1986, Grace Dorey ne relève que 26 articles faisant mention de la partenaire dans la DE. Il faut attendre 1999 pour voir apparaître la première échelle d’évaluation de la DE ou de son traitement, prenant en compte le désir ou la satisfaction de la partenaire (EDITS, S. Althof ). Ce n’est qu’en 2002 que le même S. Althof lance sa formule connue : “When an erection alone is not enough". Il se fait alors l’interprète d’un lent mouvement qui a commencé à se faire jour, au sein de la communauté scientifique internationale, en faveur de l’idée qu’une prise en compte de la DE trop centrée sur la mécanique du corps, conduit souvent à l’échec thérapeutique de molécules pourtant efficaces pharmacologiquement. En 2004, l’échelle ISL (Chevret-Measson) permet d’étudier de manière plus fine la femme confrontée à la DE de son partenaire. C’est la même année que Carson démontre qu’il est possible d’associer la partenaire au traitement de la DE. En 2006 enfin, Burnett publie une série où il met en évidence que les résultats thérapeutiques semblent meilleurs si la partenaire est associée au traitement et à sa mise en œuvre.


La DE concerne aussi la partenaire

Dès lors, la question de la partenaire se pose avec plus de force et il devient légitime de s’en préoccuper dans la DE.

Conséquences de la DE sur la sexualité de la partenaire

L’étude de Fischer, en 2005, résume bien l’ensemble des travaux qui démontrent la forte augmentation des troubles sexuels féminins après l’installation d’une DE : davantage de troubles du désir qu’avant la dysfonction masculine (26%), davantage de troubles de l’excitation et de dysorgasmies (31% pour ces deux paramètres).
Ces chiffres ne sont pas réservés aux DE d’ordre relationnel ou psychogène, puisqu’on les retrouve de manière tout aussi importante dans les DE à fort indice d’organicité, comme le prouvent quelques études concernant la sexualité après cancer de la prostate. Pour Crowe en 2003, par exemple, 49% de femmes disent avoir moins de plaisir dans les relations sexuelles. Schindel note de son côté en 2005, sur 1134 femmes qu’il interroge, 70% de troubles du désir, particulièrement significatifs dans 52% des cas.
Pour Perez, toujours après cancer de la prostate, c’est la baisse de fréquence des relations sexuelles, qui semble significative, dans une série de 134 Femmes


Dysfonction sexuelle féminine (DSF) et dysfonction érectile de l’homme, dans quel sens doit on interpréter l’importante relation entre les chiffres ?

L’ensemble des études disponibles montre une corrélation importante entre DSF et DE : 56% de désir sexuel hypoactif chez les femmes dont les partenaires sont atteints de DE pour Fugl-Meyer en 1997. 63% de dysorgasmies pour Chew en 2000, ou 35% pour Greenstein en 2006.
En fait, l’association entre DSF et DE semble justement bien trop importante pour n’être lue que dans un seul sens. Les troubles sexuels féminins sont légitimes lorsque l’homme est confronté à une DE, mais ne pourrait il pas arriver que les troubles sexuels féminins précèdent aussi ceux du partenaire ? Renshaw, par exemple, en 1981, trouve 62% de corrélations entre DE et dysfonctions sexuelles féminines, dont 8% précédent l’installation de la DE. Lorraine Dennerstein, qui suit depuis longtemps une cohorte de femmes australiennes pour troubles du désir, relève un nombre toujours important de problèmes sexuels masculins chez leurs partenaires. Pour Castello Branco, le risque relatif de survenue d’une DE est 2,9 fois plus important pour l’homme si sa partenaire présente une DSF .
Et une série récente a bien mis en évidence la forte incidence de survenue d’une DE en cas de vaginisme féminin (Pereira 2006).
Toutes ces études suggèrent donc qu’il n’est pas rare que la sexualité de la femme soit en difficulté avant celle de son partenaire, et qu’elle puisse jouer un rôle de déclencheur dans la dysfonction masculine.


Une partenaire qui peut jouer un rôle dans le maintien, tout autant que dans le déclenchement de la DE

La partenaire est aussi souvent citée comme pouvant jouer un rôle dans le maintien de la DE. Elle peut par exemple refuser de stimuler son partenaire en difficulté, et cela est quelquefois cité comme une cause d’échec thérapeutique d’un médicament de l’érection (dans 50% des cas pour Intili en 1998 avec des Injections intracaverneuses, ou bien pour 41% des hommes non satisfaits d’un IPDE5 dans une série d’Atiemo en 2003). Dans la série australienne de Lording, 22% des femmes concernées par la DE de leur partenaire reconnaissent adopter un comportement négatif face au problème. Dans une série de 2005, 24% des femmes disent se mettre en colère et arrêter la relation sexuelle en cas de DE. Mais dans la même série, 44% des hommes reconnaissent aussi qu’ils refusent toute stimulation quand ils sont en difficulté d’érection (Colson, 2005).

Une partenaire impliquée dans les «échecs» des traitements de l’érection ?

Il peut arriver aussi que l’attitude de la partenaire soit responsable de l’absence d’efficacité d’un traitement mis en œuvre. L’abandon, par exemple, d’un traitement par ailleurs parfaitement efficace sur l’érection par refus de la partenaire est loin d’être rare (34% dans l’étude PISTES de Desvaux et Corman en 2004, ou 24% pour Colson avec les IIC en 1995). Il arrive aussi qu’un patient abandonne un traitement parfaitement efficace par ailleurs sur son érection, car sa partenaire ne s’en trouve pas satisfaite (9% en 1991 dans une série d’IIC de Virag ou d’Amstrong en 1994).
Mac Cullough signale en 2002, 37% d’arrêt de traitements oraux par manque d’adhésion de la partenaire. Colpo, de son côté, avait déjà remarqué le nombre important de couples pour lesquels le médicament prescrit sans la partenaire n’est jamais utilisé. Et pour K. Wylie, nombre de traitements sont arrêtés pour cause de mésentente conjugale.


Face à la DE, une femme en souffrance dans sa vie et dans son couple

Une analyse plus fine des comportements de femmes face à la DE de leur partenaire permet de mieux comprendre l’attitude négative de certaines femmes. C’est une véritable dysfonction de couple qui se met en place face à la DE masculine, générant une forte souffrance chez chacun des partenaires.
Il existe, par exemple, davantage de syndromes dépressifs féminins dans les couples avec DE que dans les couples témoins (44% pour Shabsig en 2006). Les couples souffrant de DE sont ceux où l’on dénombre davantage de conflits entre partenaires (25% pour Hawton et Catalan, 1992), et davantage de désirs d’infidélité (Speckens, 1995). Et il faut savoir que la DE est souvent invoquée comme un motif de rupture (17%) voire de divorce (12%) par les hommes consultant pour DE (Lording, 2000 ).


La plupart des couples avec DE vivent dans une grande distance physique

Pour mieux analyser ce qui se joue entre l’homme confronté à la DE et sa partenaire, il faut savoir que la plupart de ces couples vivent dans une grande distance physique. L’homme en difficulté dans sa sexualité se replie bien souvent sur lui-même en refusant peu à peu toute forme de communication. Riley § Riley, qui ont étudié le comportement sexuel de 128 couples où les hommes souffrent de DE, notent que 50% d’entre eux n’ont plus de relations sexuelles depuis deux ans et demi, bien que 80% des hommes disent que la sexualité est toujours aussi importante pour eux. Seulement 3,9% de ces couples continuent à pratiquer des jeux amoureux (cunilingus 1,6% / fellations 2,3%). Et pour 90% de ces couples, il n’y a plus d’échange affectif ni de tendresse physique. Dans une série de DE après cancer de la prostate, la plupart des partenaires disent souffrir de l’absence de tout contact physique dont elle ressentent un grand besoin (Glasdam, 1996).

De quoi souffrent réellement les femmes face à la DE ?

Si les hommes ont tendance à se replier sur eux-mêmes et à ne plus communiquer en cas de DE, il faut savoir que les femmes souffrent davantage de cette attitude négative que de l’absence d’érection elle-même. C’est ce que révèle une étude de 2005 portant sur 501 femmes françaises (Colson). 44% d’entre elles disent être tout particulièrement affectées par le désarroi de leur partenaire, et par son malaise, 14% par l’absence de caresses et de jeux sexuels pour compenser, 14% encore par l’impossibilité de toute forme de communication avec lui. 7% trouvent qu’il est trop négligent et qu’il devrait consulter pour son problème, 6% déplorent qu’il ne soit plus du tout affectueux. 6% seulement des femmes se plaignent de l’absence de pénétration.

Attitudes féminines et profils réactionnels face au comportement sexuel masculin

Il s’avère difficile d’identifier des profils de fonctionnement psychologiques féminins dans cette pathologie, et aucune étude à ce jour n’en fait mention. Il semble cependant que l’on puisse dégager trois types de profils réactionnels féminins étroitement modulés par les différents comportements masculins, sexuels et relationnels face à la DE (Colson, 2007).

Une partenaire hostile

Lorsque la panne d’érection provoque chez l’homme de la colère et du dépit (14% des cas), et qu’il abandonne rapidement la relation sexuelle sans se préoccuper du plaisir de sa partenaire, elle-même réagira souvent par une attitude d’hostilité ouverte, avec frustration (73%), reproches (60%), et refus de nouvelles relations sexuelles (35%).
S’il devient agressif dans la vie de tous les jours (14%), ou qu’il s’isole et se réfugie dans le silence (19%), sa partenaire aura alors tendance à ne pas être rassurante (70%), à faire des reproches (73%), à manifester une souffrance marquée dans sa vie (55%).


Une partenaire passive

Si l’homme confronté à sa DE, a tendance à se décourager et à abandonner la relation sexuelle sans chercher à continuer autrement (34% des hommes), elle sera volontiers passive, abandonnant elle aussi très vite sa propre sexualité (64%), évitant de le stimuler (55%), et même d’en parler (51%).
Elle présentera aussi cette attitude lorsque son partenaire, face à la DE, aura tendance à s’acharner, à recommencer inlassablement les mêmes tentatives de pénétration jamais abouties car toujours précipitées et décentrées de leur moteur érotique.
S’il donne l’impression de ne pas s’en soucier (34% des hommes), elle calquera son attitude sur la sienne, et évitera le sujet, tous deux s’enfermeront dans le silence et feront le deuil de leur sexualité, souvent dans une souffrance réciproque et muette.


Une partenaire positive

Face à un homme qui adopte une attitude adaptée devant la DE, et l’incite à avoir du plaisir autrement (30% des hommes souffrant de DE), sa partenaire se montrera, à une large majorité, rassurante (97%), affichant une attitude active de coopération y compris sur le plan sexuel (86%), et n’hésitant pas à aborder le sujet avec lui pour le régler (79%).
Quand la relation en général ne se détériore pas, et que l’homme ne se réfugie pas dans le silence, (36% d’entre eux), elle saura là encore être positive, le rassurant (90%) et restant dans un dialogue constructif avec lui (89%).


Comment utiliser ces données pour la prise en charge d’une DE ?

Il est aujourd’hui évident pour tous, y compris dans la communauté scientifique internationale, que la prise en charge d’une DE passe aussi par celle du couple et de la partenaire. Il est certainement plus difficile de définir des procédures de prise en charge, tenant compte de modalités réactionnelles différentes et pourtant faciles à mettre en œuvre pour l’ensemble des praticiens. Il nous semble cependant que de grandes lignes de prise en charge peuvent facilement être dégagées grâce aux données précédentes.

Aider la partenaire à devenir proactive du traitement

Rien ne sera fait contre son grès, ni même sans elle. Il faut donc emporter sa coopération active face à la DE. Pour cela, trois points semblent essentiels.

Dissiper les craintes relatives au médicament

Notre pratique clinique nous confronte quotidiennement aux craintes, exprimées ou pas, face au médicament de l’érection, et elles sont nombreuses. Les IPDE5 ont longtemps été diabolisés et rendus responsables d’accidents cardio-vasculaires. Même si de nombreuses études ont bien mis en évidence l’absence de validité scientifique de ces allégations, elles sont à ranger au sein des fausses croyances sur la sexualité qui ont la vie longue, et qui restent vivaces dans les représentations de chacun, en particulier des femmes partenaires d’hommes en difficulté d’érection. Il existe aussi d’autres craintes féminines pouvant limiter l’usage du médicament de l’érection. La principale est celle de l’hypersexualité («s’il prend ce médicament, il va vouloir le faire tout le temps»). Ou encore celle d’une mise en rivalité avec le médicament (« C’est le médicament qui déclenche l’érection, pas son désir pour moi »). Les craintes concernant l’impossibilité de sevrage sont aussi très importantes. Chacune de ces craintes doit être repérée, afin d’y remédier en y apportant les informations nécessaires.

Redéfinir l’objectif véritable

L’homme en difficulté d’érection a perdu bien plus que l’érection, il a perdu sa fonction sexuelle. Elle s’est réduite à un comportement sexuel devenu stéréotypé et régressif à force d’échecs, celui d’une sexualité qui a perdu tout moteur érotique ou sensuel, à force de découragement, d’inhibition anxieuse et d’anticipation de l’échec. L’objectif est de retrouver l’érection, bien entendu, mais peut être aussi plus sûrement, de retrouver la part émotionnelle et relationnelle de la sexualité, celle qui la nourrit et lui donne vie.
C’est un objectif décisif qui emportera bien souvent l’adhésion de la partenaire, et lui permettra de jouer un rôle actif, tour à tour rassurant et stimulant pour son compagnon.


Bien expliquer les séquences du traitement à la partenaire

Une prise en charge véritable de la DE doit s’inscrire dans une stratégie thérapeutique véritable, qui doit être parfaitement expliquée aux deux partenaires. Le médicament est prescrit avec un objectif et une durée définis. La récupération de la fonction sexuelle ne peut être que progressive, et chacun doit en être averti, afin de ne pas céder au découragement en cours de traitement.


Donner un feu vert à la partenaire

Agir

Les femmes confrontées à la DE ont bien souvent du mal à réagir face à la difficulté, principalement par peur d’être maladroites ou d’aggraver la difficulté. Le rôle du praticien est de les aider à prendre conscience qu’une attitude à la fois rassurante verbalement, et stimulante sexuellement, est la plus adaptée et la plus à même d’aider leur partenaire à guérir.
Le médicament joue un rôle facilitateur essentiel dans le déclenchement de l’érection, mais il a besoin d’être relayé par l’excitation sexuelle de la relation à deux.


Savoir gérer les attitudes négatives masculines

Nous avons vu que seulement 30% des hommes adoptaient une attitude positive face à la DE. Les femmes qui y sont confrontées doivent être encouragées à jouer leur rôle de partenaire à part entière. Elles ne devront pas hésiter, par exemple, face à un homme trop pressé d’utiliser une érection enfin obtenue, à l’aider à prendre le temps de la pénétration.
Ou bien encore, s’il se sent découragé par une érection instable, elles pourront reprendre la stimulation avec succès, ou l’inciter à continuer la relation sexuelle autrement. Il est toujours possible d’avoir du plaisir et de ne pas laisser s’installer le silence et la distance physique.


Diversifier les scripts sexuels

Beaucoup de couples ont tendance à rétrécir l’action sexuelle autour d’une pénétration hâtive, en particulier ceux qui sont confrontés à une DE. La consultation sera l’occasion d’autoriser une plus grande diversification des pratiques sexuelles et des jeux érotiques. Et l’on aura quelquefois la surprise de provoquer ainsi un renouveau sexuel majeur dans la vie d’un couple, voire de remédier à un manque de motivation féminin pour une sexualité auparavant trop stéréotypée et trop peu ludique.

Adapter la prescription au profil réactionnel de la partenaire

Pour mieux s’inscrire dans une stratégie thérapeutique véritable, permettant d’optimiser les chances de guérison, il est possible d’adapter la prise en charge au couple, à ses particularités, ainsi qu’au profil réactionnel de la partenaire face à la difficulté.

Quand la partenaire est hostile

Son attitude s’appuie bien souvent sur une dysfonction de couple ancienne, dont l’histoire est émaillée de conflits jamais résolus, de reproches anciens plus ou moins exprimés et bien souvent longuement ressassés. Elle peut aussi s’être enfermée dans une attitude silencieuse et interprétative renforcée par le silence du partenaire, ou par ses attitudes négatives que nous avons déjà décrites. Intili note combien les attitudes conflictuelles ou hostiles de la partenaire de l’homme en difficulté peuvent être renforcées par un sentiment de culpabilité (Intili, 1998). Quelquefois c’est tout simplement l’absence de dialogue et l’isolement du partenaire en difficulté qui crée l’hostilité de sa femme en retour, même dans un couple sans dysfonction particulière.

Le praticien sait bien que la résolution des conflits anciens est toujours possible, même si elle s’avère parfois difficile à obtenir. Il faudra cependant savoir reconnaître ses limites et accepter l’impossibilité thérapeutique de certaines situations. Il serait pourtant dommageable de ne pas s’aider ici d’un médicament de l’érection. Par son action immédiatement concrète sur l’érection, s’il ne permet pas toujours de régler les conflits anciens, il aura souvent l’avantage d’aider à prendre conscience, et à redéfinir les responsabilités de chacun.


Quand la partenaire est passive

Il s’agit bien souvent de couples marqués par un rôle masculin prédominant, comme cela a bien été démontré par Widmer et Lévy en 2003. La femme s’y cantonne à des rôles passifs face aux évènements et prend rarement l’initiative d’une décision. Ce sont des couples marqués par des scripts sexuels pauvres, sans scénario de rechange en cas de difficulté sexuelle.

L’enjeu est ici de savoir suffisamment rassurer une partenaire souvent préoccupée par des craintes concernant davantage la santé de son compagnon que sa sexualité. Il faudra savoir l’inciter à une plus grande implication dans la sexualité du couple, l’aider à dépasser tabous et inhibitions et à devenir partenaire à part entière quand cela est possible. Il lui faudra apprendre à être moins «nursante» et davantage pro-active. C’est en renforçant le rôle féminin, que l’on obtiendra les meilleurs résultats pour les deux membres du couple qui apprendront le bienfait de la réciprocité dans la relation sexuelle.


Quand la partenaire est positive

Il s’agit du cas le plus fréquent (70% pour Lording en 2000 ), et qui permet la meilleure fidélisation au traitement (Hawton et Catalan, 1992), ainsi que les meilleurs résultats. Mais une partenaire positive n’est pas toujours proactive (seulement 60% de celles qui réagissent positivement le sont, Colson 2005). Elle peut avoir peur d’aggraver la situation en sollicitant son mari ou avoir du mal à savoir quoi faire pour l’aider.
Le rôle du praticien est ici de conforter dans son rôle de partenaire une femme qui sait être rassurante. On l’incitera à ne pas hésiter à prendre des initiatives à la fois pour aider son compagnon à éviter les comportements anxieux de précipitation, ou de découragement face à la peur de la perte d’érection.


La difficulté de certains cas particuliers…

Il peut arriver aussi que la partenaire n’existe pas, et que la problématique soit décentrée de la relation à l’autre. C’est le cas des hommes qui consultent en disant qu’ils ne peuvent avoir de partenaire car ils n’ont par exemple plus d’érections matinales ou nocturnes. Pour Lording, il s’agit d’un problème d’identité virile. Et Lew Starowicz souligne dans ce type de difficultés la bonne efficacité des injections intra caverneuses.
Quelquefois il s’agit d’un homme qui ne souhaite pas mettre sa partenaire au courant (40% dans une série de Mirone en 2002, ou 47% des cas pour Klotz). Et cela nous renvoie là encore à un problème d’identité virile et d’homme seul avec lui-même.
Il peut arriver aussi que la partenaire ne soit pas seule. Et Jackson et Lue ont publié en 1998 une série d’hommes à partenaires multiples ayant une DE, en soulignant pour eux les difficulté d’un sevrage des IIC.
Nous avons encore moins de données publiées concernant les couples homosexuels, pourtant nombreux, qui sont, en règle générale, écartés de toute étude scientifique.


Conclusion

La plupart des auteurs ont du mal à considérer la DE comme une entité, tout comme le couple lui-même, et réfléchissent plus volontiers par exemple en termes de satisfaction individuelle masculine ou féminine face aux traitements proposés, comme cela est le cas dans les rares échelles d’évaluation qui prennent en compte l’avis de la partenaire. Nous pensons cependant que, comme dans toute dysfonction sexuelle, le véritable patient est ici le couple. Le couple est l’espace de référence de la relation sexuelle, le lieu de l’émergence du symptôme sexuel, mais aussi celui de sa résolution. Le véritable objectif, dans la DE comme dans les autres dysfonctions sexuelles, n’est pas seulement la réparation symptomatique, mais bien la récupération progressive de la fonction sexuelle, et le renouveau du jeu amoureux qui en est le support et l’expression. Trop longtemps ignorée, toujours impliquée, la partenaire est peut être le chaînon clé de la guérison dans la DE.

Dans le cas de la DE, le médicament joue un rôle essentiel en apportant l’apaisement symptomatique par son action concrètement immédiate. Une stratégie thérapeutique bien conduite, tenant compte du couple et de la partenaire, permettra à la fois d’en optimiser les effets, et de conduire le patient jusqu’à la guérison quand elle est possible, c'est-à-dire dans un grand nombre de cas.

 

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